Dans le village de Porhoum, commune de Tanguiéta, un terrain jadis sous-utilisé revit. Grâce au Programme Alimentaire Mondial (PAM), des femmes déplacées, des réfugiées et des membres de la communauté locale y cultivent aujourd’hui l’espoir autant que des légumes. Le site de Sinahoun, devenu un centre de production maraîchère, illustre comment l’aide humanitaire peut générer une transformation durable.

« Avant, on n’espérait plus grand-chose. On écrivait sans cesse aux autorités pour demander de l’aide. » Tandjioma Kassa, la soixantaine bien entamée, vit à Porhoun depuis deux décennies. Comme beaucoup de femmes ici, elle cultive le jardin collectif de Sinahoun. Ce terrain, situé le long d’une rivière, permet à des dizaines de personnes de vivre du maraîchage.
Ce n’est pas son jardin, mais elle y travaille chaque jour, avec abnégation. Depuis que le PAM a entrepris de réaménager le site, elle et d’autres femmes déplacées, réfugiées ou issues de la communauté hôte ont retrouvé un moyen de subsistance durable. Les plants de tomates, de piments et de moringa poussent bien. Les motopompes acheminent l’eau de la rivière. Le sol produit enfin.
Un site transformé par et pour les femmes
Colette Boundé, assistante de programme au PAM antenne de Natitingou, rappelle que rien n’a été improvisé : « Tout a commencé par une planification participative avec les femmes. Nous voulions qu’elles identifient elles-mêmes leurs besoins. C’est ainsi que le maraîchage est devenu la priorité. »
Le site, longtemps abandonné, a été relancé grâce à l’appui du PAM : formations en maraîchage et en entrepreneuriat collectif, dotation en semences et plants, distribution de tricycles, groupes électrogènes, panneaux solaires et motopompes. Le tout adossé à une stratégie communautaire, où chaque membre, homme ou femme, a un rôle à jouer. Aujourd’hui, près de 200 personnes travaillent ou bénéficient de ce site.
Les journées commencent tôt à Sinahoun. Dès l’aube, les femmes arrivent avec leurs outils, souvent accompagnées de leurs enfants. Certaines, comme Ramatou, une jeune mère déplacée venue du nord du pays, racontent comment ce jardin est devenu leur point d’ancrage. « C’est ici que j’ai retrouvé ma dignité. Quand je vends mes légumes, je peux acheter de quoi nourrir mes enfants. »
Les hommes y contribuent aussi, notamment pour les travaux physiques ou les cultures de mil, sorgho et maïs en amont. La dynamique repose sur la solidarité : ici, tout le monde se serre les coudes. Le jardin n’est pas une propriété individuelle, mais un espace collectif où l’intérêt général prime.

Un modèle de résilience communautaire
Le jardin de Sinahoun, c’est aussi un symbole. Maurice Sagui, fils de Mme Kassa, en parle avec fierté : « Ce que le PAM a apporté, ce n’est pas seulement du matériel, c’est une nouvelle façon de voir l’avenir. Maintenant, on croit qu’en travaillant ensemble, on peut vraiment changer notre vie. »
Au-delà du jardin, un champ d’expérimentation a été mis en place pour tester des cultures céréalières. Les femmes y expérimentent, notent les rendements, partagent leurs observations. Cela leur donne aussi des outils pour mieux s’adapter aux changements climatiques. Certaines ont été formées à la transformation des produits, à la gestion des stocks ou encore à la mise en marché.
Les retombées vont bien au-delà de la seule alimentation : revenus, scolarisation des enfants, sécurité alimentaire, cohésion entre déplacés et autochtones. Et surtout, un espoir restauré. Là où régnait la précarité, on parle désormais d’autonomie.
Les produits du jardin servent à nourrir les familles et sont aussi vendus sur les marchés locaux, générant de petits revenus réguliers. Le surplus est parfois partagé avec des familles plus vulnérables du village. Cette chaîne de solidarité locale renforce les liens entre les différentes composantes sociales.
Une dynamique à entretenir
« Le PAM a montré, à Sinahoun, qu’il est possible d’agir efficacement même dans des zones reculées et marquées par la crise. En appuyant les efforts communautaires, en renforçant les capacités locales, en misant sur les femmes comme piliers de la résilience, il a semé plus que des graines. Il a semé l’avenir », a confié M. Sagui.
Les autorités locales, conscientes du potentiel, envisagent de reproduire le modèle dans d’autres localités de la commune. Le chef du village de Porhoun évoque déjà des perspectives : « Si nous avons d’autres partenaires comme le PAM, nous pouvons étendre l’initiative et intégrer plus de jeunes. Cela peut vraiment changer notre commune. »
« Ce site, c’est un peu notre pilier », conclut Colette Boundé. « Il montre qu’avec les bons outils et une vraie écoute, les communautés peuvent faire beaucoup. »
Au bord de la rivière, dans les allées bien tracées du jardin, Tandjioma Kassa arrose ses plants de tomates. Elle lève les yeux, sourit et dit : « Ce jardin, ce n’est pas à moi, mais c’est ma vie. Grâce au PAM, on cultive la terre, on cultive aussi la paix. »
Victorin FASSINOU