Face aux crises africaines : L’Imam Moutawakîl invite au retour des valeurs et de la justice

Dans son sermon du vendredi 14 novembre 2025 à la Mosquée centrale Médine II Agori Plateau d’Abomey-Calavi, l’Imam El-Hadj Moutawakîl Boukari Malik, Président de l’Union des Imams de l’Atlantique, a livré un message d’une grande profondeur spirituelle et citoyenne. S’appuyant sur les textes sacrés, il a interpellé les dirigeants africains sur l’usage du pouvoir, les risques des dérives politiques et l’urgence de préserver la paix sociale. Il a également appelé les acteurs politiques béninois à la réconciliation, à l’humilité et au respect du contrat social.

L’Imam Moutawakîl a ouvert son sermon par des versets coraniques rappelant la grandeur d’Allah et l’importance, pour les croyants, de demeurer unis dans la crainte d’Allah. Il a évoqué les messages de la sourate Al-Imran concernant l’unité, ceux de la sourate Ar-Ra’d sur la responsabilité individuelle dans la transformation d’une société, ainsi que les enseignements de la sourate Al-Anfal qui insistent sur la nécessité de maintenir la concorde. Ces fondements spirituels ont servi de point d’appui à son analyse de la gouvernance et du comportement humain face au pouvoir. Le guide religieux a ensuite rappelé plusieurs hadiths, dont celui rapporté par Abou Hourayra, pour illustrer la lourdeur de la responsabilité politique. Il a rappelé que le pouvoir est une confiance et que ceux qui le convoitent sans compétence ni droiture s’exposent à de grands regrets dans l’au-delà. À travers l’exemple donné par le Prophète à Abou-Zarr, il a rappelé que gouverner requiert humilité, justice et sens du devoir, faute de quoi la fonction devient source de jugement sévère. L’Imam a longuement insisté sur la nature ambivalente du pouvoir. Entre de bonnes mains, il a été comparé à l’allaitement pour ce qu’il apporte de paix, de justice et de bénéfices collectifs. Entre de mauvaises mains, il devient source de corruption, de souffrance et de désordre, tel un sevrage brutal dont les conséquences se répercutent sur toute la société. Pour lui, les dirigeants vertueux sont comme des médicaments qui apaisent, conseillent, protègent et guident. À l’opposé, les dirigeants injustes deviennent des moteurs de corruption, des sources de conflits et des portes ouvertes vers la destruction morale et sociale. Abordant la situation politique du continent, l’Imam Moutawakîl a dénoncé la spirale des coups d’État en Afrique. Selon lui, les coups d’État constitutionnels favorisent les coups d’État militaires et fragilisent les nations. Il a évoqué les sanctions de la CEDEAO, tout en soulignant qu’elles n’apportent pas toujours une solution rapide. Il a mis en avant les risques liés à la fermeture des frontières, qui peut créer la cherté de la vie et accroître les tensions. Il a rappelé que l’intervention militaire dans un pays voisin est un choix grave, rarement porteur d’apaisement, et que l’option la plus constructive demeure la médiation, le dialogue et la résolution pacifique des différends. S’adressant ensuite à la classe politique béninoise, l’Imam a exhorté les acteurs à se pardonner, à renouer le dialogue et à respecter le contrat social qui fonde la vie nationale. Il a mis en garde contre les discours de haine, les insultes et les violences verbales qui alimentent les tensions sociales. Il a appelé les cadres civils et militaires à éviter d’induire le président Patrice Talon en erreur, rappelant que le Chef de l’État est arrivé à une phase où il aspire au repos et que les manipulations de dernière heure pourraient fragiliser la paix nationale. Dans une seconde partie plus philosophique, l’Imam a développé le thème du dualisme qui traverse l’existence humaine. Il a rappelé que toute création obéit à l’équilibre des contraires, comme le jour et la nuit, la vie et la mort, la raison et l’émotion, ou encore le pouvoir et le contre-pouvoir. Selon lui, la vérité naît du dialogue entre les idées opposées et la démocratie trouve sa force dans l’organisation harmonieuse des différences. Pour l’Imam, une société où une seule vision domine sans contradiction s’expose à la stagnation et à la tyrannie. Le refus du débat conduit à la mort de la vérité, et l’écrasement de la différence conduit à l’effondrement social. L’Imam Moutawakîl a conclu son sermon par un appel à la sagesse, à la lucidité et à la responsabilité collective. Il a invité les Béninois à rester unis, à rejeter la haine et à travailler ensemble pour un avenir paisible. Il a enfin prononcé des prières demandant à Allah d’accorder la clairvoyance aux dirigeants, de calmer les tensions politiques et de protéger le Bénin de toute dérive.
Victorin Fassinou

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