À Tanguiéta, le nom d’Irotori Ange est désormais associé à une histoire de solidarité hors du commun. Âgé, mais encore solide, instituteur à la retraite et père de six enfants, il aurait pu se contenter de vivre tranquillement ses vieux jours. Mais en juin dernier, lorsque des familles déplacées de Tanougou, chassées de leur village par des attaques armées, sont arrivées dans son quartier, il n’a pas hésité un seul instant à leur ouvrir ses portes.
Ce jour-là, sept personnes se sont présentées chez lui, sans vêtements ni affaires, trempées par la pluie et épuisées par un long voyage. Leur état, qu’il décrit comme « pitoyable », l’a profondément marqué. « On ne peut pas voir des gens souffrir et ne pas leur porter assistance », affirme-t-il d’une voix posée, comme si cela relevait d’une évidence. Pour lui, la solidarité n’est pas un choix, c’est un devoir. Depuis, l’ancien instituteur partage tout ce qu’il a. Sous son toit, les déplacés ont trouvé refuge, nourriture, eau et lumière. Mais Irotori Ange est allé encore plus loin : il leur a donné accès à un champ et à des bassins pour cultiver. « Ils doivent pouvoir subvenir à leurs besoins, retrouver un peu d’autonomie », dit-il. Ce geste rare et généreux traduit une philosophie simple : aider les autres à se relever, plutôt que de les maintenir dans la dépendance.
Un appui qui devient un investissement pour l’avenir
Le mercredi 10 septembre 2025, au siège de la Croix-Rouge béninoise à Tanguiéta, il a reçu, comme d’autres familles hôtes de personnes déplacées, une enveloppe de 30 000 francs CFA dans le cadre de la réponse rapide mise en œuvre par le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), en appui au gouvernement béninois. Cet appui constitue une assistance alimentaire destinée aux déplacés internes et aux familles d’accueil, à travers des transferts monétaires. Pour beaucoup, cette somme est d’abord une bouffée d’air pour couvrir les besoins urgents : acheter de la nourriture, des vêtements ou du savon. Mais pour Irotori Ange, ce soutien représente bien plus. « Je vais acheter de l’engrais, surtout pour eux », explique-t-il en désignant les déplacés qu’il héberge. Son projet est clair : renforcer la production agricole afin que ces familles, déjà meurtries par la perte de leur village, puissent retrouver dignité et stabilité à travers le travail de la terre.
Son attitude illustre parfaitement l’esprit que les partenaires humanitaires veulent encourager : une assistance qui soulage les besoins immédiats, mais qui ouvre aussi la voie vers l’autonomie et la résilience. En choisissant d’utiliser son appui pour investir dans l’avenir des déplacés, Irotori Ange donne un sens profond à cette intervention. Au-delà des chiffres et des distributions, son témoignage rappelle la force de la solidarité locale. Lui, le maître d’école qui a consacré sa vie à former des générations d’enfants, continue aujourd’hui d’enseigner par l’exemple : celui du partage, de l’hospitalité et de la dignité humaine.« C’est une première. Je ne peux que les remercier pour ce geste », confie-t-il avec reconnaissance à l’endroit du PAM, de l’UNICEF et du gouvernement. Dans un contexte où les familles d’accueil portent une double charge, la leur et celle des déplacés qu’elles abritent, ce type d’appui reste crucial. Mais l’histoire d’Irotori Ange montre qu’au-delà de l’aide, c’est la volonté des hommes et des femmes de se soutenir mutuellement qui construit l’espoir. Avec son champ, ses bassins et bientôt son engrais, il continue de cultiver non seulement la terre, mais aussi la solidarité, pierre après pierre, graine après graine.
Victorin Fassinou