Le cinéma béninois a de beaux jours devant lui. Et pour cause, l’Institut National des métiers d’Art, d’Archéologie et de la Culture (INMAAC) de l’Université d’Abomey-Calavi en collaboration avec l’évènement, Carrefour International des Techniciens Cinéastes du Bénin (CITECIB), organise des réflexions scientifiques les 27, 28 et 29 novembre sur la place de ce secteur dans l’émergence touristique et économique. Placé sous le thème : « Le cinéma en République du Bénin: de la difficile émergence d’un art à la problématique du développement des métiers », ce colloque est prévu pour se tenir sur l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) et au Palais des Congrès à Cotonou. Dans cet entretien, le Directeur de l’Institut National des métiers d’Art, d’Archéologie et de la Culture (INMAAC) de l’Université d’Abomey-Calavi Professeur Romuald TCHIBOZO, reprécise le contexte, les objectifs et les attentes de cette initiative. Il reconnait que l’ADAC fait beaucoup pour le cinéma mais que le terrain n’est pas encore favorable à l’éclosion de cet art. Ce colloque est pour contribuer de par leurs réflexions scientifiques à clarifier le terrain et à proposer des recommandations, des réponses pour permettre à notre pays d’avancer dans le Cinéma. Lire l’entretien.
Bonjour cher Professeur. Que peut-on retenir de l’état des lieux du cinéma au Bénin ?
Il est difficile en ce moment de faire un état des lieux du cinéma au Bénin. Il règne une confusion sur le terrain et normalement, l’année dernière, il y a eu un grand séminaire à Bohicon où tous les acteurs se sont retrouvés pour clarifier la scène et le terrain parce que beaucoup de genres se sont développés. Certains réalisent des œuvres et ils pensent que c’est du cinéma. Je pense que la Direction de la cinématographique les avait regroupé dans un séminaire à Bohicon. Mais apparemment, ils n’ont pas pu s’entendre parce qu’ils devraient toiletter leur texte qui va clarifier le terrain. La rencontre n’a pas pu épurer le terrain. Je pense que tout cela a amené le gouvernement de notre pays à chercher à mettre certainement un peu d’ordre et donc cela a abouti à ce que nous connaissons. Je pense que l’ADAC, a pris le relai parce que son Directeur m’a présenté un document sur lequel ils sont en train de travailler avec beaucoup d’acharnement pour commencer par faire décoller le cinéma au Bénin. On en est là, et je sais que cette direction travaille beaucoup là-dessus mais nous voyons aujourd’hui que le terrain n’est pas encore favorable à l’éclosion de cet art.
Vous êtes le Directeur de l’INMAAC. Votre Institut organise les 27, 28 et 29 novembre 2024, un colloque scientifique sur : « Le cinéma en République du Bénin: de la difficile émergence d’un art à la problématique du développement des métiers ». Dites-nous les raisons qui motivent l’organisation d’une telle rencontre scientifique.
Nous organisons les 27, 28 et 29 novembre 2024, un colloque sur cette thématique. Nous allons nous interroger sur la difficulté de l’émergence de cet art dans notre pays et de voir à peu près comment on peut résoudre cette question. Il y a des questions à la fois épistémologique, ontologique, je peux dire de pratique de l’art même. Ce sont ces questions réunies que nous voulons dans un contexte pluridisciplinaire évoquer pour savoir si nous pouvons réellement nous attendre au développement de ce secteur. Pendant trois jours, nous allons essayer d’interroger ces questions essentielles qui vont nous permettre de clarifier notre situation même en tant que peuple disposé à parler du cinéma ou à faire éclore le cinéma. C’est l’une des problématiques fortes de ce colloque. Nous allons les interroger. La deuxième chose qui fait que nous nous intéressons à cette thématique, c’est le fait que nous formons des jeunes en cinéma, nous devrons comme nous l’avons déjà fait l’année dernière pour d’autres questions cruciales comme le statut de l’artiste. Nous devons interroger la scène pour savoir si nos étudiants, une fois sur le marché pourrons s’exprimer et surtout vivre de leur art. Cette question nous conduit chaque année à nous interroger sur une thématique liée à l’une de nos filières. Et donc cette année, la conjoncture a fait que les praticiens organisent un grand événement appelé Carrefour International des Techniciens Cinéastes du Bénin (CITECIB), qui veut interroger pour sa part, la formation des techniciens. Ce que nous voyons très peu. Et donc, l’INMAAC a associé ses efforts aux organisateurs du CITECIB pour que nous puissions à la fois évoquer la théorie mais également, la pratique. Il s’agira de savoir le rôle des techniciens dans le développement du cinéma. Cela nous a amené d’ailleurs à profiter de cette conjoncture pour proposer des masters class sur des formations très précises de techniciens, de modélistes, de sculpteurs… Des questions qui sont vraiment importantes pour le développement du secteur. C’est notre stratégie d’interroger le terrain pour permettre de préparer justement la place à nos étudiants pour qu’ils puissent mieux s’insérer. Pour nous, c’est extrêmement important d’évoquer ces problématiques et c’est pour cela que nous avons travaillé dans ce sens.
Quels sont les objectifs assignés à cette initiative ? Quelles seront activités phares de ce colloque ?
L’un des objectifs, c’est que nous puissions aujourd’hui vraiment nous interroger sur la place du cinéma dans le développement à la fois du tourisme et du développement économique de notre pays. Pour parler du développement du tourisme, il faut que nous puissions créer les conditions qui nourrissent le tourisme dans notre pays. Et l’un des éléments qui alimentent le tourisme ce sont les éléments de la culture… et donc, le cinéma. Nous travaillons à cela pour permettre à ce que le terrain soit favorable à l’éclosion de notre économie mais également à l’éclosion du tourisme. Nous travaillons comme je l’ai rappelé tout à l’heure à ce que nos étudiants puissent bien briller sur le terrain. Ce qui compte pour nous, c’est que l’Université prenne toute sa part dans le développement économique de notre pays en mettant des hommes capables de développer ces filières qui sont véritablement celles qui pourvoient le pays de devises.
Pour vraiment interroger la thématique dans une perspective holistique, nous avons ouvert le colloque à toutes les disciplines qui peuvent répondre à la question. C’est un colloque pluridisciplinaire au vrai sens du mot. En même temps les théoriciens que nous sommes à l’Université, mais également les praticiens de façon holistique vont questionner le cinéma. Nous aurons des conférences plénières où tout le monde sera réuni. Nous aurons des ateliers de communications, divisés en quatre ou cinq panels pour permettre d’interroger toutes les problématiques liées au cinéma. Nous aurons également des tables rondes et surtout moi, je compte beaucoup sur cette activité. Nous aurons trois grandes tables rondes qui vont interroger la formation, la recherche et le financement. Nous avons choisi des personnes averties de la question du cinéma pour plancher dans ces trois tables rondes pour que nous puissions aboutir à des résultats et à des recommandations qui pourraient permettre d’aider à la décision. Nous allons contribuer par ce colloque à clarifier le terrain et à proposer des recommandations, des réponses pour permettre à notre pays d’avancer pour que pour une fois, nous puissions avoir des activités chez nous qui fondent véritablement le développement économique.
Monsieur le Directeur, après ce colloque, quelle sera la suite ?
J’ai déjà répondu un peu, mais je précise que nous allons faire des recommandations, nous allons proposer des structures qui vont aider au développement d’un cinéma qui nous ressemble parce que, comme vous le savez certainement, le cinéma est un art qui permet la diffusion de la pensée, de mode de vie ou de la perception du monde de ses auteurs. Nous voulons proposer des structures qui permettent de faire des recherches plus approfondies sur qui nous sommes et comment est-ce que le cinéma peut rendre compte de qui nous sommes. Cela va beaucoup favoriser le développement du tourisme, de l’économie dans notre pays mais aussi des arts et minimiser surtout, des compréhensions interculturelles qui font que jusqu’à aujourd’hui, de part et d’autre, les gens ont développé des complexes. Comment voulons-nous régler le problème des complexes qui existent encore ou les clichés qui ont la vie dure .
Normalement, notre cinéma devrait largement aider à dénouer, ces questions épineuses qui font que depuis des siècles, les gens ne nous comprennent pas bien parce qu’ils ne savent pas ce que nous possédons. Le cinéma devrait aider à résoudre ces problèmes importants. Voilà les questions que nous ambitionnons de régler au cours de ce colloque que nous espérons va nous permettre d’avoir des approches de solutions qui aideront à faire avancer notre pays.
Réalisé par Victorin Fassinou