À la veille de la Journée du Diplomate russe, célébrée chaque 10 février, Son Excellence Monsieur Igor Evdokimov, Ambassadeur de Russie au Bénin et au Togo, a animé une conférence de presse le jeudi 6 février 2025. Cet échange a été l’occasion de revenir sur les grandes lignes de la politique étrangère russe, notamment les perspectives de résolution de la crise ukrainienne, les enjeux sécuritaires en Afrique et le renforcement des relations entre la Russie et le continent africain. Un rendez-vous diplomatique stratégique qui réaffirme l’engagement de Moscou sur la scène internationale. Lire le point fait par Son Excellence Igor Evdokimov à cette rencontre avec la presse
Conférence de presse annuelle de S.E.M. Igor EVDOKIMOV, Ambassadeur de Russie au Bénin et Togo, à l’occasion de la Journée du Diplomate russe (2025)
Sur la Journée du Diplomate russe
La fête de la diplomatie russe, célébrée chaque année le 10 février, est une occasion importante pour rendre hommage à l’histoire, aux réalisations et aux défis de la diplomatie de la Russie. Cette journée, marquée par des cérémonies et des événements spéciaux, permet de saluer le rôle clé joué par les diplomates russes dans les affaires internationales, ainsi que de mettre en lumière l’évolution de la politique étrangère du pays au fil des siècles.
Cette fête professionnelle a été créée par le Décret présidentiel du 31 octobre 2002, dans le cadre du 200e anniversaire du Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. Le choix de la date de la fête n’est pas un hasard – elle est liée à l’histoire de l’Ordre des Ambassadeurs. C’est ce jour-là en 1549 qu’on a la plus ancienne mention du premier ministère des Affaires étrangères de la Russie. Bien que l’histoire de notre diplomatie soit beaucoup plus ancienne et remonte au premier acte bilatéral historique du IX siècle – l’accord «Sur la Paix et l’Amour » avec l’Empire byzantin en 860, dans lequel, pour la première fois, la Rus’ a reçu une reconnaissance internationale. Dans les années 1718-1720 l’Ordre des Ambassadeurs a été transformé en Collège des Affaires étrangères, et en 1802 par le Manifeste de l’empereur Alexandre a été créé le ministère des Affaires étrangères.
Aujourd’hui, nous sommes pleinement engagés à préserver et à développer les riches traditions de notre diplomatie. Les meilleures traditions de diplomates russes du passé ont toujours été le patriotisme, le haut niveau de culture professionnelle et la compréhension profonde des intérêts nationaux. Comme il y a cent ou deux cents ans, ces exigences demeurent inchangées pour un diplomate : un large esprit politique, les compétences dans le travail avec des gens, la connaissance de langues étrangères. Ces traditions sont d’une importance primordiale, elles sont la base sur laquelle repose le service diplomatique russe.
Sur les perspectives du règlement de la crise ukrainienne
On parle beaucoup dans l’espace public de l’intention de la nouvelle administration américaine de « faire pression » sur Kiev et Moscou et de proposer une sorte d’« accord » pour une résolution pacifique du conflit en Ukraine, mais la Russie n’a reçu aucune proposition concrète jusqu’à présent.
En parlant des intentions de la nouvelle administration américaine, il ne faut pas oublier que Washington est l’auteur de la crise ukrainienne et qu’il est directement impliqué dans le conflit aux côtés de Kiev. Elle utilise ce conflit, entre autres, comme un outil pour assurer son « hégémonie mondiale ». Les documents doctrinaux américains n’ont pas changé, ils considèrent la Russie comme l’un des principaux ennemis. Il existe un consensus bipartite à Washington pour infliger une « défaite stratégique » à notre pays.
Les États-Unis ont besoin de la cessation des hostilités pour réduire le coût du maintien du régime de Kiev, qui est devenu un « actif déficitaire » pour eux, et pour transférer le fardeau de la responsabilité de sa survie à leurs partenaires européens.
Pour sa part, la Partie russe est ouverte à des propositions réalistes et est prête à une conversation sérieuse. Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, un règlement pacifique est possible sur la base du document d’Istanbul de 2022, qui parlait du statut neutre, non aligné et non nucléaire de l’Ukraine, de sa démilitarisation et de sa dénazification, du non-déploiement de troupes et de bases étrangères sur son territoire, de la prise en compte des réalités territoriales modernes et de l’éradication de toutes les causes profondes de la crise ukrainienne. En outre, les aspects juridiques liés à l’illégitimité de Zelensky et à son décret d’interdiction doivent être résolus avant le début des négociations.
Sur la situation sécuritaire en Afrique
La situation sécuritaire sur le continent africain reste grave. Nous avons observé une nouvelle augmentation de l’activité des groupes terroristes et criminels. Presque toutes les régions de l’Afrique sont menacées. L’expansion rapide du terrorisme international est quelque chose qui a commencé dans les pays africains après l’agression militaire occidentale contre la Libye en 2011. À cette époque, sous le prétexte du concept de « responsabilité de protéger », ils ont perturbé la souveraineté et l’économie libyennes. Ces événements tragiques ont créé un terreau propice au renforcement et à l’augmentation du potentiel des terroristes sur le continent. Aujourd’hui, les pays occidentaux prononcent de grands discours sur les soi-disant conditions favorables au terrorisme en Afrique, occultant le fait que leurs propres actions illégales et leurs erreurs figurent en tête de liste de ces conditions.
Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, les anciennes puissances coloniales continuent d’imposer leur présence militaire dans la région. Et cette présence n’est plus accueillie favorablement par les pays africains, notamment parce que l’inefficacité de ces soi-disant opérations de lutte contre le terrorisme menées par les pays occidentaux est plus qu’évidente.
Il existe également certains États qui mènent délibérément des actions pour saper la paix et la sécurité sur le continent. Le régime de Kiev se distingue parmi eux. Ainsi, le représentant officiel des services de renseignement ukrainiens, Andrey Yusov, et l’ambassadeur ukrainien au Sénégal, Yuri Pivovarov, ont confirmé que le « régime de Kiev » avait assisté à l’attaque contre les forces armées maliennes à la frontière avec l’Algérie près de Tinzahuaten en juillet 2024. Cette attaque a été menée par un groupe affilié à Al-Qaïda.
Selon Le Monde, le journal français, les insurgés agissant au Mali ont été formés pour opérer des drones par les services spéciaux ukrainiens, tant sur le territoire ukrainien que sur le territoire malien, dans des zones contrôlées par des terroristes. Cela illustre la nature terroriste du régime de Kiev soutenu par l’Occident, qui agit sur ordre, sous la supervision et en étroite coordination avec ses mentors de l’OTAN, sans aucune hésitation à utiliser des méthodes terroristes flagrantes.
Il existe également des rapports fournis par des États africains et des forces de l’ordre européennes (notamment par Europol), affirmant que les armes fournies par les pays occidentaux à l’Ukraine tombent souvent entre les mains de groupes criminels et terroristes dans différentes régions du monde.
Il est grand temps que le rôle des services spéciaux ukrainiens et occidentaux dans l’organisation et la facilitation des attaques terroristes soit minutieusement examiné et évalué.
Sur l’aggravation de la situation à l’est de la République Démocratique du Congo
La situation de sécurité dans la province du Nord-Kivu riche en ressources naturelles s’est de nouveau détériorée en janvier 2025 en raison de l’intensification des actions militaires du groupe « Mouvements du 23 mars » (« M23 »). Le 27 janvier, la ville de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, a été prise par cette faction. Goma abrite plus d’un million de civils. L’escalade du conflit a eu des conséquences catastrophiques sur la déjà difficile situation humanitaire dans cette partie du pays : Goma est pratiquement bloquée, les habitants de la ville ainsi que les personnes déplacées internes qui s’y sont réfugiées sont coupés du reste du monde. Selon l’ONU, de nombreuses victimes et blessés sont à déplorer parmi la population civile.
Le groupe « M23 » a mené des attaques contre la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) déployée dans la région, ce qui a entraîné la mort de ses membres en provenance d’Afrique du Sud et d’Uruguay. Nous condamnons fermement les crimes commis par le « M23 ».
Le 28 janvier, des manifestations dans les rues de la capitale Kinshasa ont entraîné des attaques contre plusieurs ambassades étrangères situées dans la ville. Nous sommes convaincus que de telles actions n’ont rien à voir avec des manifestations pacifiques. Nous appelons les autorités du pays à prendre les mesures appropriées pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent.
Nous sommes convaincus que la violence à l’est de la République Démocratique du Congo ne peut être mise fin que par un dialogue entre toutes les parties concernées et impliquées dans le conflit. Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat, au retrait des troupes du « M23 » des territoires occupés et à la reprise du processus de négociation dans le cadre des formats de maintien de la paix régionaux existants. Il est essentiel d’éviter l’escalade qui pourrait conduire à un conflit interétatique.
Sur la création du département du MAE russe pour le partenariat avec l’Afrique
En janvier 2025, le département du partenariat avec l’Afrique a commencé à fonctionner au sein du Ministère russe des affaires étrangères.
Les principales tâches du nouveau département sont l’interaction au sein du Forum de partenariat Russie-Afrique, ainsi que le développement des relations avec l’Union africaine, d’autres associations régionales et sous-régionales du continent, des groupes d’États et d’autres structures multilatérales.
Le département des États de l’Afrique subsaharienne, anciennement département de l’Afrique, continuera à s’occuper des questions bilatérales. Sa charge de travail augmentera dans un avenir très proche, même en termes de présence de nos ambassades. En 2024, des ambassades ont été ouvertes au Burkina Faso et en Guinée équatoriale. Les ambassades au Niger et en Sierra Leone reprendront bientôt leurs activités. L’ambassade de notre pays au Soudan du Sud ouvrira ses portes pour la première fois. L’ouverture de missions diplomatiques en Gambie, au Liberia, dans l’Union des Comores et au Togo est prévue dans un avenir proche.
La décision de créer un nouveau département consacré à la coopération avec l’Afrique reflète l’importance que les dirigeants russes attachent au développement de la dimension africaine de notre politique étrangère. Cette priorité est inscrite dans le concept de politique étrangère, approuvé par le président russe Vladimir Poutine en mars 2023, et prend de plus en plus d’importance dans nos actions concrètes sur la scène internationale. Nous sommes convaincus que l’Afrique est notre alliée naturelle pour œuvrer ensemble au maintien de la justice et de l’équité dans le monde, comme le prévoit la Charte des Nations unies.
Ambassade de Russie au Bénin et Togo
Fait à Cotonou, le 6 février 2025