Fièvre de Lassa : Convaincre les communautés pour vaincre le déni au cœur des débats à Abidjan

À la conférence internationale de la CEDEAO sur la fièvre de Lassa, tenue à Abidjan le 9 septembre, experts et chercheurs ont insisté sur la nécessité d’impliquer les communautés dans la prévention et la future vaccination. Si la maladie est connue, sa reconnaissance comme menace et l’adoption des mesures de prévention se heurtent encore à des résistances culturelles et sociales.

Les débats autour de la fièvre de Lassa, lors de la rencontre internationale organisée par la CEDEAO à Abidjan, ont mis en lumière une réalité préoccupante : la maladie n’est pas seulement un défi médical, mais aussi une question de perception sociale. Dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, de la Sierra Leone au Nigeria, les populations reconnaissent l’existence du virus mais continuent parfois de l’associer au mauvais sort. Ailleurs, la consommation de rongeurs et certaines habitudes de vie renforcent un déni persistant. Plus surprenant encore, des études ont montré qu’une part des populations, et même certains agents de santé, disposent d’une connaissance très limitée du virus, notamment dans les pays où il circule moins. Sur le terrain de la prévention, les chercheurs notent que l’hygiène domestique et l’aménagement de l’environnement demeurent les maillons faibles. La proximité avec les rongeurs, les pratiques culinaires approximatives et le rejet des règles de propreté favorisent la persistance de foyers de contamination.

Impliquer les communautés dans la prévention

Au cœur des échanges, la question du futur vaccin contre la fièvre de Lassa a suscité de vifs débats. Des enquêtes menées en Sierra Leone et dans plusieurs États du Nigeria montrent que la population reste réticente, malgré la disponibilité annoncée d’un vaccin subventionné. Rumeurs, désinformation et croyances renforcent une certaine méfiance, alors même que la volonté de se protéger existe. Les experts réunis à Abidjan s’accordent sur une stratégie : faire des communautés elles-mêmes les moteurs de la communication et de la prévention. L’information seule ne suffit pas ; il faut instaurer un dialogue durable, animé par des figures locales comme les leaders religieux, les chefs traditionnels et les acteurs associatifs. Là où cette méthode a été testée, elle a permis d’améliorer la compréhension de la maladie et l’acceptabilité des mesures. Toutefois, certains leaders communautaires regrettent de n’être sollicités qu’en période de crise, au lieu d’être associés dès la conception des stratégies. Les chercheurs en anthropologie, eux, rappellent que la lutte contre le Lassa ne saurait se limiter aux traitements et aux consignes médicales. Ils plaident pour une approche interdisciplinaire qui considère non seulement le malade, mais aussi la société dans laquelle il évolue. « Derrière la maladie, il y a le malade et la société malade », soulignent-ils, insistant sur l’importance d’une co-construction entre médecins, chercheurs et communautés. En filigrane, le message est clair : vaincre la fièvre de Lassa passera autant par la médecine que par la confiance et l’adhésion des populations.

Victorin FASSINOU

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