Lutte contre le paludisme : L’assainissement du cadre de vie, une arme efficace pour prévenir le mal

A l’instar de plusieurs pays d’Afrique, au Bénin, le paludisme demeure un défi majeur de santé publique. La baisse de la population de moustiques contribue à la diminution de la prévalence de la maladie causée par le moustique femelle. Et pour y parvenir, l’assainissement du cadre de vie qui est la véritable arme moins couteuse en matière de prévention, s’impose partout et à tous.

Les eaux stagnantes aux alentours des domiciles qui amplifient la multiplication des moustiques à vodjè ( Cotonou)

Les zones insalubres aux alentours des concessions, les pneus abandonnés contenant des eaux, les eaux stagnantes aux alentours des domiciles, les vieux ustensiles abandonnés. Ce triste constat continue d’être observé en agglomération urbaine comme rurale, malgré les efforts de sensibilisation qui se font par les acteurs engagés dans la lutte contre le paludisme au Bénin. Conséquence, les cas de paludisme sont fréquemment enregistrés dans les zones insalubres. Le paludisme continue d’être un véritable problème de santé publique au Bénin. Il représente le premier motif de consultation et d’hospitalisation enregistré dans les formations sanitaires du pays. Il est la première cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans. D’après le ministère de la santé, en 2023, sur 100 enfants âgés de moins de 5 ans, 40 avaient fait un paludisme avant la fin de l’année. Malheureusement dans cet effectif, les efforts des agents de santé arrivent à sauver les uns mais pas les autres. Ainsi, sur 100 000 enfants de moins de 5 ans environ 106 cas de décès sont enregistrés pour cause de paludisme. Les cas du paludisme s’élèvent à 2.5553.421 en 2022 et de 3562 décès. Le taux de létalité est de 24,6%. Au regard de ces statistiques, le Bénin continue de payer le plus lourd tribut au paludisme, malgré les progrès salutaires enregistrés au pays.

La pullulation des vecteurs : les facteurs

Les gîtes larvaires sont des sources de prolifération des moustiques responsables du paludisme. Des comportements qui ne permettent pas au pays d’atteindre efficacement les résultats attendus dans la lutte contre le paludisme et d’être au rendez-vous de 2023 des ODD, explique Dr germain Gil Padonou, spécialiste de l’Entomologie médicale et Enseignant Chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi, Directeur du centre de recherche entomologie de Cotonou. Les facteurs qui favorisent la pullulation des vecteurs du paludisme sont dus à l’insalubrité du milieu. Pour le professeur Padonou, à Cotonou, comme dans plusieurs villes béninoises, l’on constate surtout en période pluvieuse, dans les zones où la nappe phréatique est très proche de la surface tel que Cotonou, Ouidah, Sèmè, une partie d’Abomey-Calavi. Dans ces milieux, lorsque le sol est saturé, on a des flaques d’eau un peu partout et du fait du rejet des eaux usées dans la nature, dans les cours des maisons. Cela favorise une certaine insalubrité qui est à l’origine de la pullulation des moustiques, notamment les moustiques anophèles qui donnent le paludisme. « Dans les rues, généralement quand il pleut, nous constatons que ces différentes zones superficielles sont des milieux où les moustiques adultes vont pondre leurs œufs; cela favorise la mise en place des larves qui se développent dans ces milieux et qui après s’envolent pour aller facilement au contact humain puisque la proximité de ces différentes gites, de cette insalubrité avec l’homme est une opportunité pour le moustique d’avoir son repas de sang juste à côté. L’homme chez qui le moustique prend son repas est juste à côté cela favorise un raccourcissement du cycle gonotrophique et il a la facilité de pondre beaucoup plus facilement. Ce qui amplifie la multiplication des moustiques dans le milieu. Autrement dit, l’insalubrité favorise la prolifération des moustiques surtout quand c’est à côté de l’homme. S’il n’y a pas un gite, le moustique ne pourra pas pondre. Il va garder les œufs pendant longtemps et ils pourraient en mourir mais quand on lui offre les conditions de ponte, c’est-à-dire les conditions insalubres, cela favoris la multiplication de ces vecteurs. Quand c’est l’environnement immédiat, cela raccourcit le cycle gonotrophique, cela raccourcit les périodes de ponte des œufs des moustiques », démontre le professeur Padonou. « Lorsque nous observons nos communautés, surtout en période de pluie, on peut aisément s’en rendre compte. On observe aux alentours des maisons, de mauvaises herbes qui poussent, des objets creux qui retiennent de l’eau comme les boîtes de conserve, les pneus. Ils sont généralement jetés un peu partout, dans les cours des maisons. Ce sont des pratiques qui favorisent la multiplication des moustiques », se désole la Directrice du Projet de Renforcement du Paquet d’intervention à Haut Impact Communautaire dans la zone sanitaire Djougou-Copargo-Ouake (DCO) et Bassila à SIA N’SON ONG.

Une prévention moins coûteuse !

« Nous devons assainir nos milieux en détruisant de façon mécanique la plupart de ces gites en maintenant nos milieux propres, et en le faisant ainsi, en appliquant avec rigueur les règles d’hygiène, nous pourrions contribuer à la lutte contre le paludisme. Nous devons détruire tout ce que nous avons comme conteneurs dans les maisons et qui sont en mesure de garder de l’eau et dans les rues. Nous devons éviter de laisser des trous, des fossés où l’eau pourrait s’accumuler. Et la meilleure manière de lutter contre le paludisme est d’assainir notre milieu. Contribuer à l’assainissement n’est pas du tout cher, il suffit d’être propre. », conseille le Directeur du Centre de Recherche entomologie de Cotonou.

Des efforts faits par l’Etat

Il est actuellement difficile de retrouver des larves à Cotonou tout simplement, à cause de l’asphaltage. Il est difficile de trouver des larves de moustiques dans certains milieux, parce qu’en tant que chercheurs, les responsables en charge de la question vont à la rencontre de ces larves, c’est-à-dire les surveillances entomologiques en collaboration avec le Programme national de lutte contre le paludisme. Il est constaté qu’il est difficile de retrouver des larves de moustiques comme par le passé. Cela voudra dire que l’assainissement a eu un impact sur le développement des moustiques à Cotonou même dans les autres villes dans lesquelles on a la voie bitumée. Le moustique ne pond pas dans les eaux qui coulent parce que le drainage de l’eau est aussi une autre forme de lutte contre le secteur. L’écoulement des eaux fait que les conditions ne sont plus favorables au développement des larves.

Des perspectives

Le fait d’assainir les milieux par l’asphaltage, par la mise en place d’un certain nombre d’ouvrages d’assainissement, tel que les caniveaux et autres, permet de lutter contre le paludisme, ajoute le professeur. Pour lui, cette opportunité offerte par l’hygiène et l’assainissement pour pouvoir lutter contre le paludisme est prise en compte dans le plan stratégique national intégré de lutte contre le paludisme 2024-2030 élaboré, bientôt vulgarisé et mis en œuvre au Bénin. L’hygiène et l’assainissement occupent une place très importante pour pouvoir lutter contre le vecteur du paludisme. L’assainissement est une préoccupation du gouvernement qui a mis beaucoup de moyens pour mettre en place un projet de lutte contre les vecteurs à grande échelle, dans le grand Nokoué qui prend en compte cinq communes : Sèmè, Porto-Novo, Cotonou, Abomey-calavi et Ouidah ). Ces localités sont très exposées où les conditions du milieu sont très favorables pour le développement des vecteurs. Ce projet sera mis en place les jours à venir et permettra de ramener très basse l’agressivité des vecteurs, des insectes nuisibles dans le grand Nokoué, et ceci est en train d’être fait en phase pilote. Après, ça sera généralisé sur la base résultats obtenus. Assainir le cadre de vie est l’une des interventions à haut impact dans la lutte contre le paludisme. L’assainissement vise notamment à une meilleure gestion des eaux. Il est l’action qui vient le plus souvent en amont de la lutte contre le paludisme en supprimant les sites des pontes potentiels des moustiques.

Victorin FASSINOU

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