Anselme Amoussou, SG/CSA-BÉNIN SGA/CSI-Afrique sur RFI : « En Afrique, les droits des travailleurs sont en net recul »

 

À l’occasion de la fête du Travail, Anselme Amoussou, secrétaire général de la CSA-Bénin et secrétaire général adjoint de CSI-Afrique, était l’invité de RFI. Il y a dressé un constat alarmant de la situation des travailleurs sur le continent : affaiblissement du syndicalisme, violations croissantes des droits, précarité du secteur informel et répression dans les pays en crise ou sous régimes militaires. Il appelle à une prise de conscience urgente, notamment au Bénin où les restrictions du droit de grève restent un sujet de mobilisation syndicale.

 

Bonjour Anselme Kovi Amoussou.
Anselme Amoussou : Bonjour.
Comment se portent les droits des travailleurs d’Afrique en ce 1er mai 2025 ?

Je dois objectivement avouer que les droits des travailleurs en Afrique, en 2025, sont en difficulté. C’est un mouvement général, dans le monde entier, où attaquer le syndicat est devenu un peu la mode pour beaucoup de gouvernants. Mais c’est encore plus marqué en Afrique, en raison d’un syndicalisme relativement faible : faible par le taux de syndicalisation, mais aussi par des insuffisances internes. Le syndicalisme est affaibli dans son ensemble, et en Afrique, c’est encore plus difficile. On assiste à des violations des droits, à des refus de reconnaissance des droits du travail, à des brimades contre les représentants syndicaux. Globalement, il y a encore beaucoup de travail à faire.

Quels sont les pays du continent où la situation est la plus préoccupante ?

D’abord, les pays francophones en général, avec un taux de syndicalisation autour de 3 % dans le meilleur des cas. Dans ces pays, le paysage syndical est très fragmenté, ce qui affaiblit encore davantage le pouvoir social des travailleurs. Et même des pays naguère considérés comme des modèles, comme la Tunisie avec la puissante UGTT, se retrouvent aujourd’hui en difficulté face à des gouvernances autoritaires. On voit ainsi des pays de référence basculer dans les mêmes réalités préoccupantes que les autres.

Et puis il y a les pays en guerre ou en crise sécuritaire : le Burkina Faso, le Mali, le Niger. Dans ces pays, des décisions sont prises au nom de la sécurité nationale ou de la géopolitique, mais elles sont en réalité dirigées contre les syndicats et les travailleurs. Ces derniers sont appelés à taire leurs revendications au nom de l’unité nationale. À l’inverse, dans les pays anglophones, le syndicalisme est généralement moins atomisé, les confédérations sont plus fortes et peuvent déployer un pouvoir social significatif. Les rapports de force y sont donc un peu plus équilibrés.

Le Mali, le Niger et le Burkina Faso que vous avez cités sont aussi des pays dirigés par des régimes militaires. Sont-ils plus exposés aux atteintes aux droits des travailleurs ?

Bien sûr. Dans ces régimes d’exception, revendiquer devient rapidement suspect. On vous accuse de nuire à l’effort national, de ne pas être patriote, voire de faire le jeu des ennemis du pays. Cela réduit fortement la marge d’action des syndicats, car la moindre critique peut être interprétée comme une hostilité envers le régime. Nos camarades y ont donc encore plus de difficultés qu’ailleurs.

Le secteur informel représente une très grande part de l’emploi sur le continent africain, presque 90 % en Afrique subsaharienne. Ces travailleurs sont-ils toujours les sans-droits du continent ?

Oui, largement, malheureusement. Il y a des efforts pour organiser ce secteur et syndiquer ses travailleurs, mais les conditions restent extrêmement précaires. C’est difficile pour ces travailleurs de quitter leur commerce ou leur activité quotidienne pour se syndiquer. De plus, les syndicats ne sont pas toujours perçus comme utiles ou efficaces. Résultat : ce secteur reste très peu structuré et donne l’impression que les travailleurs sont abandonnés. Certaines études montrent même que ces travailleurs n’attendent plus rien, ni des syndicats, ni des gouvernants. C’est dramatique.

Une dernière question sur votre pays, le Bénin. Le nombre de jours de grève y est limité à deux par mois, et certains secteurs hydrocarbures, aéroport, santé sont totalement privés du droit de grève. Est-ce que l’abrogation de ces mesures reste un combat pour vous ?

Oui, absolument. C’est un combat que nous continuons à mener. C’est une erreur de penser que les syndicats sont une perte de temps. Le message qu’on nous envoie aujourd’hui, c’est que le dialogue social est inutile, qu’on peut avancer sans les syndicats. Mais c’est une grave erreur. On ne peut pas simplement copier des modèles venus d’ailleurs, de pays avec un autre niveau de développement, et les transposer ici. D’autant que ces mesures n’ont même pas permis d’atteindre les objectifs annoncés : attirer les investisseurs et dynamiser l’économie. On constate que cela n’a pas fonctionné. Il est temps que les dirigeants entendent raison. Le combat syndical continue donc, au Bénin comme ailleurs en Afrique.

Source : RFI

 

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