Prise en charge des VBG au Bénin Quand la dispersion des services complique l’aide aux victimes (Plaidoyer pour une meilleure articulation des dispositifs sociaux sur un même site)

Au Bénin, la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) s’est renforcée ces dernières années, avec une implication accrue des structures de protection sociale. Mais une difficulté majeure continue d’entraver l’efficacité des réponses apportées : la dispersion géographique des services de prise en charge. Ce morcellement, qui va à l’encontre du principe d’accueil intégré prévu dans les textes, complique le parcours des victimes, ralentit les interventions d’urgence et compromet la réhabilitation sociale des personnes concernées. Le cas de Cotonou, plus grande ville du pays, illustre bien cette problématique.

Le principe est simple sur le papier : une personne victime de violences doit pouvoir accéder, dans un même espace, à tous les services dont elle a besoin écoute, soins, accompagnement juridique, suivi psychologique. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Les services sont éparpillés. Et pour une femme battue ou un adolescent en situation de détresse, cela signifie multiplier les déplacements, les attentes, les récits douloureux.

Le Directeur départemental des Affaires sociales et de la Microfinance du Littoral, dans l’entretien qu’il a accordé au journal « Matin Libre », reconnaît que les structures d’assistance existent bel et bien, mais leur dispersion sur différents sites complique l’accompagnement global des personnes vulnérables. Dans ce contexte, les équipes font au mieux avec les ressources disponibles pour répondre aux besoins, malgré les limites du dispositif actuel. Dans les centres sociaux, des agents sont formés, des relais communautaires sont en place, des référents VBG ont été désignés. Mais le fait que la police, les services sociaux, les hôpitaux et l’aide juridique ne soient pas sous le même toit entraîne des ruptures. « Une victime peut venir nous voir, mais pour porter plainte, il faut aller au commissariat. Pour les soins, un autre trajet encore. Et souvent, sans accompagnement », explique un agent du centre social de Zogbo qui préfère garder son anonymat.

Un accueil intégré encore à concrétiser

Ce que réclament les professionnels de l’action sociale et de la santé, ce n’est pas nécessairement un grand bâtiment flambant neuf. C’est une organisation plus humaine, plus centrée sur les réalités des victimes. Dans certaines villes comme Parakou, des expériences pilotes montrent qu’un centre intégré permet une meilleure coordination. La personne n’a pas à se battre pour trouver de l’aide, c’est l’aide qui vient à elle. À Cotonou, l’idée fait son chemin. Il ne s’agit pas seulement de faire de la cohabitation administrative. Il faut des équipes pluridisciplinaires, des procédures harmonisées, une communication fluide entre services. « Quand une femme pousse la porte d’un centre, elle doit sentir qu’elle est en sécurité, écoutée, orientée sans délai », résume un agent de la Direction départementale des Affaires sociales et de la Microfinance, ayant requis l’anonymat. Cela suppose aussi des ressources : des locaux adaptés, des moyens de transport, du personnel en nombre suffisant.

Des efforts salués, mais encore insuffisants

En 2023, plus de 2 000 personnes ont été reçues dans les centres sociaux du Littoral pour des situations de vulnérabilité. Un chiffre important, qui témoigne de la confiance que les populations placent dans ces structures. Mais derrière chaque cas se cache une histoire, souvent marquée par la peur, la honte, la solitude. Pour beaucoup, le fait de devoir raconter leur vécu à plusieurs reprises, dans des lieux différents, est un frein majeur. Certaines abandonnent en chemin. Aujourd’hui, les professionnels de terrain appellent à une mise en cohérence des services. L’intégration ne résoudra pas tout, mais elle peut redonner de la dignité et de la force aux personnes qui osent demander de l’aide. Et surtout, elle montre que la société ne se contente pas de condamner les violences : elle s’organise pour y répondre, concrètement.

Victorin FASSINOU

(Avec le soutien de CeRADIS-ONG, membre de l’Alliance Droits et Santé)

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