Dans le cadre d’une lettre ouverte adressée aux députés de l’Assemblée nationale, datée du 4 novembre 2025, la Confédération des Syndicats Autonomes du Bénin (CSA-Bénin), la Confédération Générale des Travailleurs du Bénin (CGTB) et l’Union Nationale des Syndicats de Travailleurs du Bénin (UNSTB) ont exprimé leur forte opposition à la proposition de loi déposée le 31 octobre 2025 visant à instituer un Sénat.
Selon les syndicats, le projet, porté par des députés de la majorité présidentielle et présenté comme un instrument de modernisation démocratique et de rééquilibrage des pouvoirs, a été introduit de manière précipitée, sans aucune consultation publique. « Une réforme qui modifie substantiellement le régime politique et l’équilibre des institutions doit passer par un référendum, seul moyen légitime de consulter le peuple souverain », insistent-ils. Au-delà de la procédure, les travailleurs dénoncent un détournement de l’attention des préoccupations majeures des citoyens. Chômage, pouvoir d’achat, sécurité et accès aux services sociaux sont selon eux des priorités laissées de côté au profit d’une réforme institutionnelle qui, à leurs yeux, pourrait conférer un pouvoir quasi illimité à des acteurs non élus. Une situation qui, avertissent-ils, fragiliserait la souveraineté populaire et mettrait en péril la stabilité institutionnelle du pays.Dans ce contexte préélectoral particulièrement sensible, les syndicats appellent les députés à rejeter le projet et à privilégier l’intérêt général. Ils invitent le gouvernement à recourir à un référendum pour toute réforme majeure et se réservent le droit de suivre de près la position de chaque parlementaire sur ce dossier.
LETTRE OUVERTE DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS DU BÉNIN AUX HONORABLES DÉPUTÉS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU BÉNIN
Cotonou, le 06 novembre 2025
Les Secrétaires Généraux de :
la Confédération des Syndicats Autonomes du Bénin (CSA-Bénin)
la Confédération Générale des Travailleurs du Bénin (CGTB)
l’Union Nationale des Syndicats de Travailleurs du Bénin (UNSTB)
Aux
Honorables Députés à l’Assemblée Nationale du Bénin
Objet : Position des organisations syndicales sur la proposition de loi portant révision de la Constitution déposée le 31 octobre 2025
Honorables Députés,
Les travailleuses et travailleurs du Bénin, réunis au sein de la CSA-Bénin, de la CGTB et de l’UNSTB, ont l’honneur de vous adresser la présente correspondance afin de vous faire part de leur vive préoccupation relative à la proposition de loi introduite par les députés AKE Natondé et ASSAN Seïbou, visant à réviser la Constitution pour instituer un Sénat au sein de l’architecture institutionnelle de notre République.
Il nous est parvenu, par voie médiatique, que ladite proposition a été déposée le 31 octobre 2025, à l’initiative des deux blocs parlementaires de la majorité présidentielle. Selon ses auteurs, cette réforme aurait pour finalité de moderniser la démocratie et de rééquilibrer les pouvoirs entre les institutions de la République.
Toutefois, une analyse approfondie de cette initiative révèle des préoccupations majeures tant sur le plan formel que sur le fond.
Sur le plan procédural, l’introduction de cette proposition sans consultation préalable, sans débat public, et à la veille de la fin de mandat d’un régime ayant exercé le pouvoir durant une décennie, suscite des inquiétudes légitimes. Le projet de révision constitutionnelle, en ce qu’il modifie substantiellement et subtilement le régime politique choisi par le peuple souverain en 1990 et l’équilibre des pouvoirs, devrait impérativement faire l’objet d’un référendum. Il est donc légitime de s’interroger sur les raisons pour lesquelles les initiateurs ont choisi de contourner cette voie démocratique, en évitant tout débat national préalable, ce qui s’apparente à une confiscation du pouvoir appartenant au peuple souverain.
Les travailleuses et travailleurs du Bénin tiennent à rappeler qu’une réforme d’une telle ampleur échappe à la compétence du mandataire du peuple qu’est l’Assemblée nationale. Le projet doit impérativement être soumis à l’approbation du mandant qu’est le peuple souverain, seul détenteur de la légitimité constitutionnelle en la matière, à travers un référendum.
Par ailleurs, les préoccupations premières des citoyens, et en particulier des travailleuses et travailleurs, résident dans la sécurité humaine, l’amélioration de leurs conditions de vie, la lutte contre la pauvreté, l’accès à des services sociaux de qualité et la garantie d’un emploi décent. Dans un contexte marqué par une précarité croissante, une inflation persistante et une détérioration du pouvoir d’achat, il est paradoxal que l’attention des représentants du peuple se porte sur une réforme coûteuse, clivante et inconsistante, plutôt que sur des politiques publiques susceptibles de répondre aux besoins urgents et vitaux des populations.
Un régime qui va solliciter le suffrage du peuple dans quelques mois devrait en toute logique faire de la justice sociale et du mieux-être des citoyens sa priorité absolue.
Le projet de révision soulève également des inquiétudes plus profondes. Il tend à conférer des pouvoirs quasi illimités à une catégorie de citoyens non élus, investis d’un mandat à vie et placés au-dessus des institutions républicaines, y compris celles issues du suffrage populaire. Une telle proposition méconnaît gravement l’histoire politique du pays et remet en cause les fondements mêmes de la République, qui repose sur la souveraineté populaire, l’égalité devant la loi, l’absence de toute forme monarchique et la garantie des libertés fondamentales. Or, l’article 156, alinéa 2, de la Constitution béninoise dispose explicitement que la forme républicaine de l’État et sa laïcité ne peuvent faire l’objet d’une révision.
De plus, l’érection d’une telle institution risque d’attiser et de réactiver en permanence les tensions interinstitutionnelles et politiques dans le pays. Les motifs avancés par les auteurs de la proposition ne sauraient justifier une réforme qui, depuis 1990, n’a jamais été nécessaire pour garantir la paix et le développement.
Au regard de ce qui précède, les travailleuses et travailleurs du Bénin considèrent que cette initiative, introduite en fin de mandat de façon cavalière et sans respect pour le peuple souverain, poursuit des fins inavouées. Elle est de nature à instaurer une confusion des pouvoirs, n’est ni pertinente, ni consensuelle, et ne poursuit pas l’intérêt général. En conséquence, ils expriment leur ferme désapprobation et leur opposition résolue à toute révision constitutionnelle dans un contexte préélectoral sensible.
Ils en appellent à la responsabilité des honorables députés, toutes sensibilités confondues, afin qu’ils ne s’associent pas à une entreprise susceptible de fragiliser l’édifice démocratique patiemment construit depuis la Conférence des forces vives de la nation. Ils les exhortent à rejeter cette proposition de révision et à inviter les autorités compétentes à recourir, si nécessaire, au peuple souverain par voie référendaire.
Enfin, les travailleuses et travailleurs du Bénin restent attentifs à l’évolution de ce dossier et se réservent le droit d’interpeller publiquement chaque député en fonction de la posture qu’il adoptera dans le cadre de ce processus.
Dans l’espoir que leur appel sera entendu et pris en compte dans vos délibérations, nous vous prions de recevoir, Honorables Députés, l’expression de nos salutations les plus respectueuses et patriotiques.
Ont signé :
Vossoul, Secrétaire Général
Anselme AMOUSSOU, Secrétaire Général
BACHABI Moudassirou
K. Appolinaire AFFEWE

